La physiothérapie peut aussi être itinérante : entretien avec le Dr. Philippe Labarthe
En suivant le même modèle que les pays ou la rééducation vétérinaire s’est imposée, on observe en France une segmentation des acteurs de ce marché, on y retrouve des CHV (Centre Hospitalier Vétérinaire), des cliniques offrant cette spécialité et des vétérinaires itinérants. Afin de mieux comprendre leurs motivations, leurs organisations et les bénéfices retirés de cette orientation, nous avons questionné le Dr. Philippe Labarthe Vice président de l’AFVEPHYR PHYSIOVET et nous le remercions pour son témoignage.
Dr Labarthe, depuis combien de temps avez–vous démarré l’activité de rééducation fonctionnelle ?
J’ai commencé à m’intéresser à la rééducation fonctionnelle depuis ma sortie d’école, il y a 6 ans. J’ai réellement commencé à me former techniquement en 2007 au sein de l’AVETAO auprès du Dr Serge Sawaya. Depuis je n’ai cessé de compléter ma formation, notamment par l’ostéopathie. J’ai rapidement intégré les thérapies manuelles dans ma pratique quotidienne mais je n’ai développé sérieusement cette activité que depuis 18 mois, en investissant dans du matériel. J’exerce la physiothérapie en tant qu’itinérant, aussi bien pour les petits animaux que pour les chevaux. Je développe aussi cette activité au sein d’une clinique généraliste.
Quelles ont été les principales motivations au départ de votre projet ?
Ce sont mes goûts pour la chirurgie orthopédique des petits animaux et la médecine sportive équine qui m’ont le plus influencé. J’ai d’abord travaillé dans une clinique référée en chirurgie carnivore, où je me suis occupé assidument de chiens et chats hospitalisés suite à des opérations orthopédiques ou neurologiques ; le suivi post opératoire m’est alors apparu aussi essentiel que l’intervention elle même. Puis, employé dans une clinique équine référée également, j’ai pu constater la difficulté de gérer une carrière sportive et le retour difficile voire impossible à un niveau de performance initial suite à certaines pathologies. Je me suis donc naturellement renseigné sur la gestion de la douleur, la cicatrisation, la récupération du mouvement et la reprise d’activité sportive. Je cherchais à savoir pourquoi la rééducation fonctionnelle n’était pas une évidence pour le monde vétérinaire comme ça l’est devenu en médecine humaine. Plus je découvrais l’intérêt des thérapies manuelles et physiques et plus je me passionnais pour ces activités.
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
Les informations étaient difficiles à trouver. Les sources sont les ouvrages spécialisés et les thèses fournies par l’ENVL et l’ENVA. Pour le reste, je me suis souvent retrouvé sur des sites de physiothérapie humaine et des sites vétérinaires américains, anglais, canadiens ou suisses. D’autres pays tel que l’Italie, l’Autriche ou encore l’Allemagne sont plus avancés que la France sur le développement du marché que représente la rééducation fonctionnelle des animaux. La méconnaissance de la rééducation fonctionnelle et de ses indications par les confrères est un frein important au développement de l’activité. Heureusement, on en entend de plus en plus parler via les médias professionnels et grand public. Une étude anglaise récente indique que 67% des propriétaires sont déçus de ne pas être informés ni orientés spontanément par leur vétérinaire traitant vers les confrères exerçant les thérapies manuelles et physiques. La communication doit encore être développée, afin que les vétérinaires puissent reconnaître les cas nécessitant de la physiothérapie, conseiller au plus juste et diriger les propriétaires d’animaux vers les confrères compétents.
Qui pose l'indication ?
Je travaille principalement en itinérant donc à la clinique du vétérinaire traitant ou au domicile de son client. C’est le vétérinaire traitant qui pose l’indication. Lorsque je travaille en clinique généraliste, je joue évidemment les deux rôles. Je pratique moi-même les soins. Ceci est du à mon organisation et à une volonté d’assurer personnellement le service. J’aime suivre mes patients et pouvoir évaluer leur récupération fonctionnelle. De plus, j’associe des techniques ostéopathiques à mes soins de physiothérapie.
De quel matériel disposez-vous ?
Mes mains sont mes outils de base. Je suis également équipé de deux appareils d’électrothérapie, d’un laser, d’ultrasons et d’un appareil vibratoire (stimulation neurologique). J’utilise aussi du petit matériel de thermothérapie, du matériel de proprioception et de taping. J’envisage très prochainement de compléter mon offre, notamment en investissant dans des ondes de choc. Quant à l’hydrothérapie, j’ai la chance de travailler en bord de mer. Si c’est possible, j’exploite alors le milieu naturel en prescrivant des exercices à faire réaliser par le propriétaire. Il arrive également que le propriétaire dispose d’une piscine. Ces équipements me permettent d’adapter au mieux mes programmes de rééducation et de trouver le juste équilibre entre les résultats, le nombre de séances et l’investissement financier et horaire que supporte le propriétaire.
D’où proviennent les patients ?
L’origine de mes patients est variée. Il y a des contacts directs soit via les annuaires d’ostéopathes, soit via la clinique généraliste dans laquelle j’exerce. Le reste de ma clientèle m’est référé par des confrères spécialisés ou non. Reste le bouche à oreille qui est sûrement la meilleure publicité qu’on puisse espérer !
Quelles sont les indications les plus fréquemment rencontrées ?
Pour les petits animaux, la gériatrie représente un nombre important de cas. L’arthrose se traite de manière multimodale. Pour le reste, il s’agit de rééducation post-opératoire en orthopédie, des animaux parétiques ou paralysés, des boiteries traumatiques non chirurgicales. Pour les chevaux, il y a également l’arthrose ainsi que des tendinopathies ou desmopathies. Quelle que soit l’espèce, les clients consultent également pour des bilans sur les animaux en croissance et pour des soins préventifs. Les propriétaires sont satisfaits lorsqu’ils voient leurs animaux accepter docilement les soins et retrouver leur activité initiale. Ils sont également très contents d’avoir une offre de soins complémentaires. C’est un moyen supplémentaire d’améliorer le bien-être de leur animal. Les propriétaires se sentent impliqués dans la rééducation de leur animal, ils apprécient les séances et les relations avec le vétérinaire physiothérapeute sont alors très aimables.
Comment voyez-vous le développement de cette spécialité en France au cours des 5 prochaines années ?
Quoiqu’il arrive cette spécialité se développera de plus en plus en France comme partout ailleurs. Le nombre de cliniques qui commence à s’équiper en est le meilleur témoin, et les plateaux techniques spécialisés ne pourront pas se passer d’un service de rééducation car les clients sont en demande et l’apparition de fournisseurs français nous facilite l’accès au matériel et élargit notre offre de soins. De plus, le développement des assurances est une opportunité pour la physiothérapie et le reste du marché vétérinaire. Comme pour chaque nouvelle spécialité, il faut en maîtriser et en structurer le développement. Il faut également communiquer auprès de nos clients : leur faire connaître notre savoir-faire et la gamme de soins mise à leur disposition. Surtout, ne pas oublier que sans la formation l’équipement n’est rien. Au même titre que pour les ostéopathes ou les dentistes équins, il y a une concurrence déloyale. Seule la mobilisation et la vigilance de la communauté vétérinaire peuvent contenir cette concurrence externe. Il faut être garant d’une rééducation vétérinaire de qualité et maîtriser notre marché et sa rentabilité. Nous avons tout pour réussir. Quant à la délégation des actes en rééducation, elle doit être contrôlée. Dès aujourd’hui, nous devons tout mettre en oeuvre pour atteindre le niveau de développement des pays précurseurs. En tant que vice-président de l’AFVEPHYR, je sais que les vétérinaires physiothérapeutes sont passionnés et dynamiques, et que notre enthousiasme sera contagieux !
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